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The Torah Learning Library of Yeshivat Chovevei Torah

Toldot 5784 in French

by Rabbi Haggai Resnikoff (Posted on November 16, 2023)
Topics: French, Sefer Breishit, Toldot, Torah

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Traduit par Rabbi Émile Ackermann

Au cours des dernières années, le discours politique et social s’est de plus en plus polarisé à travers le monde, et je me suis moi-même polarisé. Certains mots à la mode déclenchent en moi une réaction de colère, au point qu’il m’est impossible de faire confiance à la bonne volonté ou aux intérêts communs de personnes qui, sans hésitation, ont une position différente de la mienne. La tragédie de Simchat Torah cette année et la guerre en Israël qui l’a suivie n’ont fait qu’augmenter le nombre de questions qui me poussent à me fermer, à m’exclure et à écarter toute position qui remet en question (ou menace) la mienne. Cette polarisation de mon discours personnel n’est ni positive ni même neutre. Il est clair pour moi qu’il s’agit d’une lacune à laquelle il faut remédier. Pourtant, je ne me sens pas motivé pour prendre des mesures afin de me corriger. Je soupçonne que cette énigme peut trouver un écho chez d’autres personnes.

Les rabbins méprisent Ésaü. Ils le méprisent en tant que personnage et en tant que représentant de leurs oppresseurs, l’armée et le gouvernement romains. Un examen du soixante-cinquième chapitre de Bereshit Raba, qui traite de la parashat Toldot, révèle les midrashim suivants :

“Après avoir vécu une vie de licence débridée, Ésaü se marie à 40 ans, cherchant à imiter son père vertueux (avec une femme nommée Yehudit, pas moins). Les rabbins comparent cela à un porc qui, alors qu’il se vautre dans la saleté, étend ses sabots fendus, comme pour dire : “Regardez, je suis casher”.

“Dieu rend Isaac aveugle afin de lui éviter de sortir en public et d’entendre les gens dire : “Voilà le père de ce Rasha”.

“Isaac peut désigner Ésaü comme son “plus grand fils” (b’no hagadol), mais Dieu sait qu’Ésaü et les nations qu’il a engendrées ne sont rien de plus que le “plus petit des peuples”.

Au milieu de cette avalanche de critiques et de dégoûts, un midrash apparaît qui traite Esaü différemment (65:15) :

Rabban Shimon ben Gamliel a dit : “J’ai assisté mon père tout au long de ma vie : J’ai assisté mon père tout au long de ma vie, et je ne l’ai pas assisté d’un centième de ce qu’Ésaü a fait pour son père. Lorsque j’assistais mon père, je le faisais avec des vêtements sales, mais lorsque je sortais sur la route, je sortais avec des vêtements propres. Mais Ésaü, lorsqu’il allait voir son père, ne le voyait qu’avec des vêtements royaux. Il disait : “Il n’est pas conforme à l’honneur de mon père de l’assister autrement qu’avec des vêtements royaux”.

Les rabbins reviennent ensuite immédiatement à la critique des femmes d’Ésaü.

Qu’est-ce que cela signifie de découvrir qu’au milieu de nos désaccords sur nos valeurs les plus fondamentales, nous avons quelque chose en commun. Ésaü a honoré son père. Les Romains honorent leurs parents. Nous pourrions banaliser cette seule qualité rédemptrice : “Ésaü a peut-être honoré son père, mais cela ne change rien à son caractère essentiel”. Il ne semble pourtant pas que les rabbins aient adopté ce point de vue. Dans la discussion talmudique sur l’honneur des parents (Kiddushin 31a), ils racontent l’histoire suivante :

“Jusqu’où doit-on aller pour accomplir la mitzva d’honorer son père et sa mère ? Rav Ulla leur dit : “Allez voir ce qu’un Gentil a fait : Allez voir ce qu’un Gentil a fait à Ashkelon, il s’appelait Dama ben Netina. Une fois, les Sages ont voulu lui acheter de la marchandise [perakmatya] pour un bénéfice de six cent mille dinars d’or, mais la clé du conteneur dans lequel la marchandise était conservée était placée sous la tête de son père, qui dormait à ce moment-là. Dama ben Netina n’a pas voulu déranger son père en le réveillant, alors qu’il aurait pu réaliser un profit substantiel.”

En fait, les rabbins prennent les Romains pour modèles des meilleures pratiques pour honorer ses parents.

Cela suffit-il à mettre fin à la polarisation que je ressens chaque fois que je rencontre des personnes qui ne sont pas d’accord avec moi sur certaines questions clés de la politique américaine et israélienne ? Le fait de trouver une valeur commune suffit-il à me permettre de voir, au-delà de ma peur et de ma rage, l’être humain qui se cache derrière l’opinion ? Cela ne semble pas avoir suffi aux rabbins. Leur méfiance et leur dégoût à l’égard d’Ésaü et des Romains ne se sont jamais dissipés, bien qu’ils aient reconnu l’excellence de l’honneur parental romain.

Je pense cependant que cela pourrait me suffire. Je me sens moins en colère et moins méfiant à l’égard d’Ésaü après avoir constaté que, comme moi, il apprécie son père. Je me sens motivé pour considérer son caractère d’une manière différente, plus généreuse. Je ne sais pas jusqu’où cela ira dans mes sentiments à l’égard des Romains. Mais peut-être que la voie à suivre est celle de l’étape par étape. Tout d’abord, reconnaître les valeurs partagées avec les personnes avec lesquelles je suis en désaccord, même sur les choses les plus fondamentales. Ensuite, cette reconnaissance me motive à ouvrir des lignes de communication. Une fois que j’aurai trouvé un terrain d’entente, je pourrai peut-être m’efforcer d’apprécier également les grands groupes. C’est peut-être la solution.